Le territoire de Walikale, est le plus grand des territoires de la Province du Nord-Kivu. Il est situé à 261 KM à l’Ouest de la ville de Goma. Dans cette partie de la province, précisément à Mubi à , 30 Km de Walikale Centre, les avortements sélectifs se font de plus en plus nombreux, mais clandestinement par certaines filles et femmes de cette région. Une pratique répandues, mais taboue pour la communauté Nyanga.
A 43 ans, Marie-Ange du nom d’emprunt, habitante de Bilobilo, un village situé à 3 Kilomètres de Mubi Centre, sa belle-famille voulait qu’elle avorte alors qu’elle attendait sa sixième fille d’affilée sans savoir mis un garçon au monde : « ma belle-mère et mes belles sœurs me disaient que tu as déjà cinq filles , à quoi va nous servir ta sixième fille. Tu devras nous mettre au monde un garçon, c’est celui qui sera le gardien de notre famille » explique-t-elle en sanglotant. C’était à 4 mois de grossesse après que, cette femme ait consulté son médecin au chef-lieu de son territoire. Durant un examen d’échographie. Son médecin l’annonce le sexe du fœtus contrairement à ce qu’attendaient son époux et sa belle-famille.
Une réalité douloureuse
Marie révèle que, dans son village, plusieurs femmes décident d’avorter lors qu’elles constatent que, c’est encore une autre fille qui sera née. Pourtant dans cette agglomération, l’avortement n’est pas permis légalement. Elles les font clandestinement aux risques et péril de leur propre vie moyennant le paiement des frais d’encouragement à ces prétendus médecins qu’elle n’a pas voulu cité son mon « on m’a exigé de payer alors 70 dollars Américains, équivalent aux francs congolais avant de me donner quelques comprimés à avaler » déclare-t-il et d’ajouter qu’ après cette étape , le fœtus était déjà déstabilisé pour qu’il soit évacué.
Evacuer le fœtus l’expose
Pourtant à 5 mois de grossesses, la grossesse devient très risquant pour s’en débarrasser et expose la femme à des hauts risques informe le docteur Trèsor Katshinde, un autre médecin travaillant dans une organisation non gouvernementale de la place, il nous en dit plus « vu le nombre des naissances et son âge, cette dame ne pouvait plus pratiquer des avortements surtout clandestins car ceux-là, exposent sa vie à des risques graves et notre loi, l’interdit » déclare-t-il en poursuivant que, le motif du sexe de l’enfant ne peut pas pousser une mère ou un père à mettre fin à une vie d’un innocent. Cette décision est influencée par les stéréotypes des genres qui ont les poutures dans tout ce territoire.
Le sexe féminin occasionne l’avortement
Certaines femmes choisissent d’avorter quand elles attendent des filles pour prolonger la lignée familiale grâce aux garçons. Ces garçons nés, sont des héritiers automatiques de leurs biens et pourront garder la richesse de la famille explique Mwami Lukonge Birunga Likwabo. En 2018 l’écart s’est réduit entre les naissances des filles et des garçons constate un autre observateur lucide. Ces chiffres selon lui, sont difficiles à obtenir pour les autorités territoriales, mais calculés par rapport au taux des naissances et aux sexes d’enfants. Plusieurs familles font le choix de l’avortement sélectif selon le rapport fait par l’ONG des droits de l’Homme, Le Centre de Formation International en Droits de l’homme et de développement, CFIDH/DH. Ce rapport fait état de plus de 62 cas d’avortements sélectifs enregistrés par cette organisation de la force vive durant une période de 36 mois, résultats d’’une enquête menée par cette ONG D. témoigne son coordonnateur provincial, Bienvenu Mayemba. Bilobilo, Un village éloigné des services de santé car on y compte deux centres de santés et le marché d’emplois qu’offre difficilement le chef –lieu du territoire de Walikale suite à des guerres récurrentes entretenues des miliciens et surtout d’entourages de certaines femmes qui ont pratiqué l’avortement sélectif en secret. Sur un mur d’un centre de santé, on y voit des photos des femmes tenant des pancartes sur lesquels l’on écrit « Olive Lembe a été une fille et aujourd’hui première dame », un message positif pour avoir une fille car les gens vont se dire, je suis heureuse d’avoir une fille, un plaidoyer pour lutter contre les avortements sélectifs souligne Mawazo Bunakima, une militante féministe de la place. Pour cette femme, il est temps de mettre en place une politique publique.
La discrimination positive, plus qu’une nécessité
Elle suggère d’encadrer les avortements sélectifs avec des lois, pour que cette situation évolue. Elle soutient pouvoir éveiller la conscience et bafouer les us et coutumes de nos sociétés « nous devons donner plus le pouvoir aux femmes, créer des opportunités égales pour les hommes et les femmes notamment dans le travail et au niveau du salaire. » souhaite-t-elle en soulignant que, les parents doivent élever leurs enfants de la même manière. Un autre défenseur des droits de l’homme interrogé sur la question, Dufina Tabu, de l’ASVOCO /Goma préfère parler de l’avortement en préférence des garçons, un terme qui pointe du doigt directement les inégalités à cause de l’avortement sélectif dans certaines parties de l’Est de la RDC.
Norbert Mwindulwa