La RDC ne retient aucune leçon de son passé lointain et proche souligne l’auteur Julien Babunga. « Je le répète souvent : nous n’apprenons rien, ou si peu, de ces 25 dernières années de guerres dans l’Est de la RDC. Et pourtant, les leçons sont là, criantes. Ce qui manque? Une stratégie sérieuse.
L’État-Major Général des FARDC devrait déjà avoir un desk permanent dédié au Kivu. Un centre d’analyse et d’action, composé d’officiers qui maîtrisent la géographie et les dynamiques des conflits dans l’Est. Il est urgent d’élaborer des stratégies et des tactiques adaptées à ces zones complexes, où l’armée congolaise a souvent été battue.
Les forces de l’AFC/M23 étaient jusque-là stationnées à Kamanyola. Kamanyola est la porte d’entrée de la plaine de la Ruzizi où, sur 90km de route plate et directe, on atteint Uvira. Et sur cette route, de l’autre côté de la rivière Ruzizi, se trouve le Burundi. En décidant, depuis samedi dernier, de déserter leurs positions de Kamanyola, porte d’entrée de la plaine de la Ruzizi, les forces de l’AFC/M23 ont ouvert un nouveau front à Kaziba. Or, Kaziba, c’est une passerelle directe vers les hauts plateaux d’Uvira, via Rurambo. Si ces forces consolident leur position là-haut et rejoignent les Twirwaneho, la chute d’Uvira ne sera plus qu’une question de temps. Pourquoi? Parce que l’histoire récente nous l’a déjà enseigné.
En 1996, les militaires zaïrois envoyés depuis Kinshasa ont été défaits par les Banyamulenge dans ces hauteurs. Impossible de déloger un ennemi qui vous observe arriver depuis les montagnes.
Entre 1999 et 2002, Masunzu et ses hommes ont résisté à la puissante armée rwandaise en se retranchant dans ces mêmes hauts plateaux.
Plus récemment, les RED-Tabara burundais, les Gumino et les Twirwaneho tiennent depuis ces hauteurs face aux offensives venues de la plaine d’Uvira. L’avantage tactique est évident : celui qui occupe les sommets voit l’ennemi approcher et choisit le moment du combat.
Aujourd’hui, les forces de l’AFC/M23 contrôlent Kaziba. Si elles établissent la jonction avec les Twirwaneho dans les hauts plateaux d’Uvira, il sera quasiment impossible pour les FARDC de tenir Uvira. C’est une évidence, même pour un stratège amateur. Et pendant ce temps, que fait l’État-major des FARDC? Quelles leçons tirons-nous de notre propre histoire? Le terrain nous donne des signes clairs, mais nos dirigeants militaires continuent de naviguer à vue.
Il est temps d’arrêter de subir.
Il est temps de penser en stratèges.
Sinon, nous répéterons encore les mêmes erreurs, avec les mêmes conséquences. »
Benjamin Babunga Watuna