Le 24 juin 1960. Le premier gouvernement congolais est investi au parlement. Patrice Emery Lumumba est à la fois Premier ministre et ministre de la Défense nationale. Antoine Gizenga, son allié et président du PSA, est vice-premier ministre. On retrouve le jeune Joseph-Désiré Mobutu, que Lumumba a rappelé de Bruxelles où il faisait une formation de journaliste, comme secrétaire d’État à la présidence du Conseil (on dira aujourd’hui Vice-ministre à la Primature).

Lumumba réintègre Mobutu dans l’armée
Le 5 juillet 1960. Les militaires congolais de la Force Publique se mutinent dans quelques garnisons. La Force Publique, c’était 25 000 congolais dirigés par 1000 officiers belges. A leur tête, le général Janssens que le premier ministre Lumumba va limoger à cause justement des mutineries. Il est remplacé comme commandant en chef de l’ANC (Armée Nationale Congolaise, nouvelle appellation de notre armée) par Victor Lundula, un ancien adjudant, devenu entre-temps maire de Jadotville (Likasi). Lumumba lui donne le grade de général. Et comme chef d’état-major, le premier ministre congolais aligne son « petit ya confiance » Joseph-Désiré Mobutu en lui donnant le grade de lieutenant-colonel: alors que Mobutu avait quitté l’armée en 1956 avec le grade de sergent.
Relations tendues entre Gizenga et Mobutu
Le 11 juillet 1960. Sécurisé par les troupes belges qui ont débarqué à Lubumbashi la veille, Moïse Tshombe, le gouverneur du Katanga, proclame la sécession de sa province. Le président Kasa-Vubu et le premier ministre Lumumba se lancent dans une tournée à l’intérieur du pays pour calmer les militaires congolais et rassurer la population. Patrice Lumumba laisse son intérim de chef du gouvernement à Antoine Gizenga. Celui-ci considère que le colonel Mobutu patauge dans cette fonction de chef d’état-major. D’autant plus que le général Victor Lundula est bloqué par les sécessionnistes au Katanga. Mobutu décide d’aller faire une tournée de sensibilisation à l’Équateur. Pour Antoine Gizenga, le premier ministre ad intérim, considère que le colonel Mobutu est allé faire du tourisme dans sa province d’origine, en se pavanant dans sa tenue de colonel.
Antoine Gizenga limoge le colonel Mobutu
Antoine Gizenga prend alors la décision de limoger le colonel Joseph-Désiré Mobutu comme chef d’état-major de l’ANC. Il le remplace par Maurice Mpolo, qui est le ministre de la Jeunesse et sports. C’est un ancien de la Force Publique. Antoine Gizenga lui donne le grade de colonel. Dès son retour à Kinshasa, le colonel Mobutu est dans tous ses états. Il commence à dénigrer le nouveau chef d’état-major Mpolo auprès des militaires. Informé de l’attitude de Mobutu, Antoine Gizenga considère que cela est dû au fait que les deux rivaux ont le même grade de colonel. Gizenga va alors promouvoir Maurice Mpolo au grade de général, ce qui va calmer le colonel Mobutu.
Lumumba réhabilite Mobutu
Dès le retour du premier ministre Lumumba à Kinshasa, le colonel Mobutu va se plaindre auprès de lui des agissements d’Antoine Gizenga. Après avoir entendu celui-ci, Patrice Lumumba décide de réhabiliter le colonel Mobutu dans ses fonctions de chef d’état-major de l’ANC. il réinstalle aussi Maurice Mpolo dans son poste de ministre de la Jeunesse et des sports. Antoine Gizenga dit à Lumumba qu’il commet une grave erreur en faisant confiance à Mobutu.
Une guerre larvée est ainsi déclarée entre Joseph-Désiré Mobutu et Antoine Gizenga. Et Maurice Mpolo paiera de sa vie son passage à la tête de l’armée que Mobutu a très mal vécu. Il sera arrêté et assassiné en compagnie de Patrice Lumumba le 17 janvier 1961 au Katanga.
Antoine Gizenga, en 1960, prend le contrôle du 3e groupement militaire à Kisangani et combat l’armée du colonel Mobutu.
Après la révocation du premier ministre Lumumba et de son vice-premier ministre Gizenga, ce dernier quitte clandestinement Léopoldville pour Kisangani où il prend le contrôle du 3e groupement militaire (Région militaire) et installe le général Victor Lundula, qui l’a rejoint, comme le commandant en chef de l’ANC. On a désormais 4 armées au pays qui obéissentà4 gouvernements. 1. L’ANC-Mobutu qui dépend politiquement du président Kasa-vubu à Léopoldville. 2. L’ANC-Lundula, qui contrôle la Province Orientale et qui attaque et prend le contrôle de Bukavu. Cette armée répond politiquement à Antoine Gizenga. 3. La gendarmerie katangaise, l’armée de l’Etat sécessionniste du Katanga de Moïse Tshombe. 4. La gendarmerie Kasaïenne, commandée par un jeune de 22 ans, le général Dinanga. C’est l’armée du président Albert Kalonji, chef de l’Etat Autonome du Sud-Kasaï.
L’armée d’Antoine Gizenga va battre à plusieurs reprises (Bukavu, Equateur) l’armée du colonel Mobutu.
Le président Mobutu libère Gizenga
- Le général Joseph-Désiré Mobutu, le commandant en chef de l’ANC, fait un coup d’État en renversant le président Kasa-Vubu. Le 25 novembre, le lendemain du coup d’État, le nouveau président de la République fait libérer Antoine Gizenga qui avait été mis en résidence surveillée depuis plus d’un an par le premier ministre Moïse Tshombe. Après sa libération, Le général Joseph-Désiré Mobutu demande à Antoine Gizenga de devenir son ambassadeur itinérant auprès des chefs d’état africains. Gizenga décline l’offre. Parce qu’il n’a pas envie de travailler avec quelqu’un qui était impliqué dans la mort de Patrice Lumumba dont lui Antoine Gizenga est héritier politique.
Gizenga part en exil
Les tracasseries, les menaces et les intimidations vont alors commencer. Se sentant en insécurité, Antoine Gizenga quitte clandestinement Kinshasa par pirogue pour se rendre à Brazzaville la nuit du 19 au 20 février 1966. Il va combattre Mobutu en exil pendant 26 ans. Il ne remettra les pieds à Kinshasa que le 7 février 1992, lors de la Conférence Nationale Souveraine.
Gizenga savoure la victoire des lumumbistes
Le 16 mai 1997, Antoine Gizenga boit une coupe de Champagne lorsqu’il apprend que l’ancien » petit ya confiance » de Patrice Emery Lumumba, qui était devenu le Maréchal Mobutu Sese Seko, vient de fuir Kinshasa en roulant en toute vitesse sur le boulevard Lumumba en direction de l’aéroport de Ndjili. Parce qu’un lumumbiste qu’Antoine Gizenga connaît très bien est à la porte de Kinshasa. Ce lumumbiste à qui Antoine Gizenga avait donné à Kisangani en 1961 une bourse d’études pour Moscou s’appelle Laurent-Désiré Kabila .
Thomas Luhaka Losendjola