La République Démocratique du Congo a célébré hier dimanche 30 juin ses 64 ans d’indépendance. Il y avait de la réjouissance, pour ne parler que de Kinshasa, dans toutes les 24 communes de la capitale. Au Centre Culturel Mikanda à N’djili, précisément au Quartier 13, slammeurs et musiciens ont mis à profit ce grand avènement pour réfléchir autour de la question par l’entremise de la musique et du slam.
C’est ce qu’a expliqué son coordonnateur Negue Fly Nsau lors de la brève interview qu’il nous a fait l’honneur de nous accorder sur fond sonore de cette grande prestation, riche en interpellations.
« De manière systématique nous avons proposé cette production pour un moment à la fois de réflexion, d’introspection et de remise en question autour de cette grande date du 30 juin », parole de l’artiste qui poursuit son fil d’idées :
« En mon sens, personnellement, je crois que durant ces 64 ans, nous n’avons rien foutu. Le Congo est jusqu’ici un chantier et, en plus, un champs vide ».
Pour Negue Fly, les Congolais, jusqu’ici ne se sont pas encore approprié le Congo.
« Le Congolais n’a pas encore un vrai projet pour le Congo », a-t-il révélé avant de relever :
« Aujourd’hui peut-être je crois que les Congolais, pris dans l’ensemble et toutes couches sociales confondues, doivent se mettre chacun à réfléchir sur ces 64 ans d’âge. Qu’est-ce que on en a fait ? »
« Est-ce que le Congo nous mérite réellement, ou, a contrario, est-ce que nous méritons le Congo », question du slammeurs, l’air philosophique.
Negue Fly se rappelle à cet effet d’une phrase de Lumumba, dite en son temps, alors qu’il se trouvait à bord d’un avion avec le président Kasavubu qui s’étonnait à haute voix de la grandeur du Congo.
« Le Congo est grand, oui !, mais il exige de nous de la grandeur ! », parole exclamative du père de l’indépendance, que Negue Fly a interprétée en ces termes : « il faut de la grandeur pour un projet grand pour le Congo ».
» Donc, nous avons beaucoup de devoirs, beaucoup de redevances et beaucoup d’autres choses à faire pour le Congo », a-t-il explicité.
Parlant du slam, il a placé l’accent sur son rôle dans le développement du Congo.
« Comme toute discipline, le slam a une grande place dans le développement de la République Démocratique du Congo. Il s’agit de la poésie sur scène et déjà ça permet de passer un message.
À l’en croire, il faut souligner que le slam est une forme de communication verbale comme toutes les autres et qui peut être intentionnelle ou non intentionnelle, car, dit-on, « on ne peut pas ne pas communiquer ».
« Donc, la communication, comme je suis en train de le faire, c’est quelque chose de très primordial, mais c’est quoi le fond de notre communication, à l’heure actuelle ? », question précise signée Negue Fly dont il fournit en même temps la réponse :
« Les 64 ans pour nous, c’est beaucoup plus pour réfléchir que pour seulement fêter. En fait, lorsque l’on fête, c’est pour manifester sa joie, sa victoire, son bonheur. Mais nous Congolais, durant ces 64 ans, qu’est-ce que nous avons gagné ? C’est quoi l’état du Congo à l’heure actuelle ? Ça représente quoi dans notre esprit ou, voire, devant nos yeux? C’est quoi le Congo en termes réelles ? Quelle est l’urgence au moment où nous commémorons cette journée ?
Voilà autant de question que Negue Fly soumet à la réflexion du Congolais.
C’est dans cet ordre d’idées que Negue Fly, vu la fonction communicative du slam et voire sa fonction incitative, il prie le ministère de la Culture, Art et Patrimoine de bien vouloir intégrer le slam dans la politique culturelle du pays.
» Mais toutefois, foi sur ma façon de voir les choses, le problème, ce n’est même pas ça. le problème c’est que le slam arrive dans tous les coins du pays, voire dans les oreilles même de la vendeuse des chikwangues au coin d’une rue au Plateau des Bateke, par exemple,… parce que, je crois en mon sens que la politique elle-même s’inspire de la base. C’est la base qui influence le gouvernement. Et la base n’est rien d’autre que la population », a-t-il levé l’équivoque.
Saint-Germain Ebengo